Cristina Ganapini (Right to Repair) : "Je fais partie de cette génération qui est née dans l’ère de l’irréparabilité"

Cristina Ganapini (Right to Repair) : "Je fais partie de cette génération qui est née dans l’ère de l’irréparabilité"
A l’occasion de la Campagne Right to Repair qui bat son plein, nous avons eu le plaisir de rencontrer sa coordinatrice Cristina Ganapini, l’occasion de faire le point sur l’état de la réparation en Europe.

Right to repair, késako ?

R2R est une coalition hétéroclite au service de la réparabilité pour le plus grand nombre qui mène des actions de lobbying au niveau européen. Fondée en 2019 par un petit noyau de 5 organisations (Restart, le EEB – European Environmental Bureau, Runder Tisch Reparatur, ECOS et iFixit), la campagne regroupe aujourd’hui plus de 100 organisations à travers 21 pays européens et affiche de nouvelles ambitions. Structurée en 3 piliers distincts mais corrélés – une meilleure conception des appareils, un accès équitable à la réparation, et une meilleure information de la réparabilité au moment de l’achat – son action est un combat quotidien pour le droit à la réparation dans l’Union Européenne.

Comme nous le précise Cristina, la loi européenne prime sur le droit national sur ce sujet. Ce n’est pas pour autant que des Etats membres ne se distinguent pas par des initiatives locales intéressantes. Cristina évoque plusieurs exemples frappants :

  • Le bonus réparation qui arrive en France a initialement vu le jour en Autriche et en Allemagne.
  • La Suède a réduit la TVA sur la réparation pour la faciliter en réduisant son coût.
  • L’indice de durabilité français est scruté dans le reste de l’UE.

L’Europe a toute sa place et les nouveaux chevaux de bataille ne manquent pas, tels que la coopération avec les entreprises – récemment illustrée par le programme de self-repair d’Apple même si critiqué à juste titre – ou les nouveaux défis posés par l’obsolescence des softwares. Pour Right To Repair, il est indispensable de passer par l’échelon européen pour obtenir des avancées globales sur le droit à la réparation.

Une avancée obtenue à Bruxelles peut faire d’une pierre 27 coups.

A ce titre la coalition engrange déjà plusieurs succès, comme le bannissement de la pratique de la sérialisation au sein des nouvelles règles européennes sur les batteries. Pourtant, il reste encore beaucoup de choses à faire. Cette année, la coalition s’attend à plusieurs développements législatifs représentant des opportunités précieuses d’obtenir des exigences de réparabilité horizontales. Pour Cristina, “le fait que le droit à la réparation soit évoqué par le mandat actuel de la Commission européenne est déjà une victoire. Cependant, après avoir pris beaucoup de retard, il est temps que la Commission tienne ses promesses et agisse concrètement pour enlever toutes les entraves à la réparabilité”. En parallèle, les résultats de l’eurobaromètre montrent un vrai engouement des Européens pour la réparation.

8 européens sur 10 trouvent que les fabricants devraient être tenus de faciliter la réparation des appareils numériques

Eurobaromètre

Pour mener à bien l’action de Right To Repair, Cristina insiste sur le fait d’adopter une vision non bornée à l’Europe mais de s’inspirer de pratiques d’économie circulaire qui viennent d’ailleurs. Elle met en avant les interventions provenant d’Afrique, d’Inde et d’Amérique du Sud lors de Fixfest 2022, la dernière édition du rendez-vous international pour la réparation, auquel la campagne a contribué. De manière plus générale, elle souligne l’importance vitale que peut prendre la réparation sur d’autres continents. Souvent faite dans des conditions bien moins privilégiées et prises en étau entre des impératifs économiques et environnementaux, la réparation ailleurs dans le monde est aussi impactée par les mesures prises au niveau européen (gisement disponible, normes environnementales, etc). Cristina insiste aussi pour prendre de la hauteur et observer nos pratiques de réparation sur le temps long pour se rendre compte que la réparation a toujours été présente dans nos quotidiens. Comme elle l’indique “nous n’inventons pas la roue”.

Chloé Murard, entourée d'Armand Renard et Clémence Belloir, dans la partie recyclerie de La Boucle
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L’engagement de Cristina au sein de R2R

Cette curiosité et cette ouverture aux initiatives pour rendre le monde meilleur trouvent écho avec son parcours de vie : “J’ai toujours été intéressée par les systèmes économiques et les rapports de force”. C’est aussi de par ses expériences personnelles que Cristina a peu à peu affûté son engagement pour la durabilité. Maintes fois confrontée à la frustration de se retrouver dans l’impossibilité de réparer, elle n’a pu que questionner notre modèle de consommation. Si elle confie que ses meilleurs moments au sein de R2R sont certainement ceux passés en manifestation, elle trouve aussi plaisir à sensibiliser au combat de Right to Repair au plus grand nombre. Les citoyens, surtout les plus jeunes générations “qui sont nées” dans cette ère de l’irréparabilité, ont une connaissance des combats de R2R par leur expérience quotidienne : celle d’avoir vécu l’expérience de l’absurdité de ne pas pouvoir réparer un objet.

Le plus vieil objet de Cristina

Pour conclure cet entretien, à la question quel est est le plus vieil objet que Cristina possède, la réponse ne se fait pas attendre : une Fiat Panda “plus vieille qu’elle” qu’elle utilisait quand elle habitait dans les Apennins italiens. S’il arrivait à sa fidèle voiture de tomber en panne, elle réussissait toujours à être réparée par son père car les problèmes n’étaient que d’ordre mécanique. De quoi mettre en perspective le combat de R2R contre l’obsolescence logicielle.

Pour en savoir plus sur la campagne Right to Repair Europe, n’hésitez pas à rejoindre le mouvement ici !

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Crédits photo : Mark A. Phillips

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